Brown’s Field, la macrobiotique moderne venue du Japon

Lorsque j’ai organisé mon dernier séjour au Japon (de septembre à novembre 2015), mon objectif était de découvrir ce pays sous un axe écologique et spirituel. J’avais commencé mon périple au pied du Mont Fuji* pour le continuer jusqu’à Kagoshima. Aujourd’hui, je vais partager avec vous mon expérience à Brown’s Field, café-restaurant et gîte macrobiotique situé à deux heures de Tokyo.

Une vieille bâtisse que l'on peut voir à Brown's Field (photo : Clara Onuki).
Une vieille bâtisse que l’on peut voir à Brown’s Field (photo : Clara Onuki).

Ce qui m’attire le plus, en tant que chef, dans la gastronomie japonaise, c’est l’importance qu’elle donne aux aliments bruts, non transformés, naturels. Par extension, je me suis penchée il y a quelques temps de cela sur l’alimentation macrobiotique. Dans mon idée, il ne s’agissait que d’une sorte de régime façon hippie à base de riz complet. Au fur et à mesure de mes lectures, je me suis rendu compte que c’était bien plus que cela. J’ai donc souhaité approfondir ma connaissance d’un ce mode de vie qui s’avère riche en découvertes.

L’alimentation macrobiotique moderne, végétalienne, se prête particulièrement bien au régime japonais : miso, soja, tofu, riz… en sont la base.

Et pour cela, quoi de mieux que de venir travailler quelque temps chez la maman de l’alimentation macrobiotique moderne ? Je précise « moderne », car la macrobiotique a bien évolué depuis ses débuts. Mis en place par Georges Oshawa à la moitié du XXe siècle, ce régime était destiné aux personnes souffrant de maladies graves. Il mettait en avant principalement les céréales complètes, les légumes et les légumineuses, avec parfois des ajouts de poisson blanc et des fruits en petites quantités. La macrobiotique est également fondée sur le principe taoïste de la complémentarité entre le yin et le yang. Il faut donc parfaitement connaître les aliments pour bien adapter son régime à ses besoins et trouver le bon équilibre. La pratique recommande de ne consommer que des produits d’origine biologiques et de saison. En d’autres termes, c’est un régime qui considère – au même titre que l’Ayurveda ou d’autres médecines ancestrales – l’alimentation naturelle comme pilier de la santé. Aujourd’hui, la macrobiotique moderne est considérée d’avantage comme une façon de s’alimenter pour rester en bonne santé, que comme une philosophie. C’est une alimentation principalement végétalienne, avec une base de cuisine japonaise (utilisant des produits fermentés tels que le miso, le soja, les pickles ainsi que le tofu, les légumineuses et bien sûr, le riz complet).

Je ne vous détaillerai pas la macrobiotique ici (cf. les liens à la fin de cet article si cela vous intéresse), mon souhait étant plutôt de partager avec vous ma très belle expérience à Brown’s Field.

Staff et invités participent aux travaux des champs (photo : Clara Onuki).
Staff et invités participent aux travaux des champs (photo : Clara Onuki).

Après de nombreux échanges par mail, j’étais donc très curieuse de découvrir la cuisine de Deco Nakajima. Mariée à un photographe américain depuis près de vingt-cinq ans, Deco parle parfaitement l’anglais. Elle organise des séjours de Wwoofing chez elle, et accueille des personnes désireuses de donner un coup de main (à la cuisine, aux champs…) en échange du gîte et du riz complet (!).

Depuis 1999, Brown’s Field est pensé dans un esprit de développement durable.

Brown’s Field est un projet de longue date mis en place en 1999 par le couple qui souhaitait réhabiliter un mode de vie traditionnel, et proposer une cuisine macrobiotique la plus naturelle possible, des champs à l’assiette. Tout est pensé dans un esprit de développement durable : petites surfaces agricoles en permaculture biologique, panneaux solaires, produits ménagers et d’hygiène réalisés sur place, compost, toilettes sèches… Brown’s Field est situé dans la ville d’Isumi (adorable village agricole au bord de la mer, adulé par un bon nombre de surfeurs), et propose aux visiteurs une agréable échappée en pleine nature, à seulement deux heures de Tokyo.

La cuisine macrobiotique à la japonaise, tout un art (photo : Clara Onuki).
La cuisine macrobiotique à la japonaise, tout un art (photo : Clara Onuki).

Tout au long de ces années, Deco et son mari ont aménagé cinq lieux distincts avec l’aide de jeunes gens, venus de tous horizons confondus participer à leur beau projet écologique :

  • un café/restaurant (le Rice Terrasse Cafe), tenu par trois jeunes femmes, où l’on peut venir déguster un repas végétarien et profiter du joli cadre pour la journée ;
  • une vieille maison traditionnelle, ainsi qu’une grande cabane dans les arbres et une yourte où logent et vivent l’équipe de Brown’s Field et leurs stagiaires/wwoofers ;
  • les champs de Brown’s Field (riz et légumes principalement), dont s’occupent trois messieurs ;
  • un gîte traditionnel haut de gamme, Jiji No Ie (« La maison de papi »), pouvant accueillir une dizaine de personnes, équipé d’une sublime cuisine permettant de préparer les repas des hôtes et d’accueillir les workshops /ateliers macrobiotiques donnés par Deco (deux jeunes femmes y travaillent en permanence) ;
  • Asana, une petite boutique artisanale où l’on vend le riz des champs, quelques produits fermentés en bocaux, quelques produits et vêtement bios, tenue par une jeune femme.
Le logis écologique du staff, et le "tipi" des woofers (photo : Clara Onuki).
Le logis écologique du staff, et le « tipi » des wwoofers (photo : Clara Onuki).

Le premier jour de mon arrivée, je découvre le merveilleux cadre du lieu où je vais travailler pendant quinze jours et rencontrer enfin les personnes avec lesquelles j’avais échangé plusieurs mois auparavant. Les Japonais étant très timides et pudiques (surtout quand il s’agit de parler une langue étrangère), notre premier diner se tient dans un quasi-silence.

Les jours suivants je me cale sur le rythme du lieu, assez soutenu : debout à 6h30, ménage jusqu’à 8h, petit-déjeuner (porridge de riz avec sauce soja, soupe miso), puis travail jusqu’à 13h (aux champs ou à la cuisine), déjeuner copieux à base de riz complet et légumes cuisinés sous plein de formes, re-boulot et diner vers 18h. S’en suivent un bon bain et une belle nuit de sommeil ! En ce qui me concerne, j’ai principalement aidé à la cuisine, ainsi qu’au nettoyage des parties communes et du Jiji No Ie.

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Jiji no ie, un ryokan chaleureux (photo : Clara Onuki).

En tant que cuisinière, je veux absolument participer à la récolte du riz, la base de la cuisine macrobiotique (et japonaise). Et ce n’est pas de tout repos, car nous travaillons principalement à la main. Mais quelle récompense ! Ce dur travail de quinze jours nous permet de récolter le riz nécessaire pour un an.

Les champs de Brown’s Field apportent une bonne partie des ingrédients dont à besoin l’équipe pour se nourrir, ainsi que pour le café-restaurant : riz, légumes et herbes sauvages (daikon, coriandre, patate douce, patate violette, châtaignes, kakis, kiwis, laitue, quelques graines…), le miso et la sauce soja artisanale. Le reste est acheté localement ou en ligne dans des magasins bio.

La préparation du dîner (photo : Clara Onuki).
La préparation du dîner (photo : Clara Onuki).

Le travail se fait dans une belle atmosphère d’échange et de solidarité, presque familiale. Il est possible de méditer, d’écrire ou de faire quelques exercices de yoga durant les pauses car le lieu est d’un calme absolu. Au final, ce fut une très belle expérience, que je conseille à toute personne désireuse de participer à ce beau projet ou souhaitant découvrir un mode de vie authentique.

« Puits de lumière à travers les fenêtre, les couloirs, les rideaux de lin tressés – une légère brise automnale, au parfum de paille de riz fraîchement récolté, traverse les portes. Quelques détails de style méditerranéen me rappellent mon lieu de vie. Mosaïques, terre cuite, murs blanchis, parquet, apportent de la fraîcheur au style japonais parfois un peu lourd. Ici, tout est fait à la main, fruit de patience et de grand talent. Chaque détail est pensé pour préserver le calme, écouter la Nature vivre. Les fenêtres de verre et de bois font entrer même les murmures ; des oiseaux, des feuilles et des âmes anciennes. Rien ne viendra perturber ce sublime équilibre, cette jolie et tendre parenthèse dans le temps et l’espace. » Extrait de Notes Personnelles de Voyage, Japon, automne 2015.

Le temps semble couler paisiblement pour les hommes comme pour les animaux (photo : Clara Onuki).
Le temps semble couler paisiblement pour les hommes comme pour les animaux (photo : Clara Onuki).

– Clara Onuki
Clara Onuki est chef à domicile en cuisine japonaise fusion. Passionnée par la cuisine saine et naturelle, elle donne des cours et formations sur la région PACA.


Pour en savoir plus :

Le site de Clara Onuki.

Le site de Deco Nakajima.

Pour loger à Jiji No Ie.

Commander les livres de Deco Nakajima sur Amazon (vérifiez bien la langue).

Queques lectures web indicatives :

Un article très intéressant de 3h48 minutes.

Un article sur une soupe macrobiotique par Nathalie.

Jess Grinneiser

Rédacteur en chef

Visiteur régulier de l'Asie orientale depuis plus de 15 ans, Jess cherche avant tout à découvrir ce qui lie les cultures entre elles. Gastronomie, artisanat, pop culture... et thé, autant de domaines qui le passionnent et qu'il souhaite partager avec le plus grand nombre.

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