Nobuyoshi Araki, artiste japonais extrêmement prolifique en photographie, fait en ce moment l’objet d’une rétrospective au musée Guimet à Paris. Plusieurs galeries racontent l’histoire d’un homme qui photographie tout, tout le temps, et de toute évidence pour lui-même plus que pour un public. Les supports sont multiples, et l’on pourra apercevoir des tirages de tailles diverses, mais aussi une quantité de petits polaroïds formant une mosaïque extrêmement variée. La photographie d’Araki, c’est finalement son journal intime du quotidien, reconstitué pour nous entre les murs du musée Guimet.

1991 – impression numérique – H. 101,6 cm ; L. 125,8 cm
Yoshii Gallery, inv. YG-10907-NA © Nobuyoshi Araki / Courtesy Taka Ishii Gallery
Deux thématiques principales semblent se détacher de l’oeuvre en forme de journal intime de l’artiste : le sexe et la mort. Voyage sentimental, récit du voyage de noces qu’il fait avec sa femme Yokô, est un témoignage impudique de sa passion amoureuse, tandis que Voyage d’hiver, qui lui fait suite, accompagne sa dulcinée lors de son agonie et jusque dans son cercueil.

1971 – épreuve gélatino-argentique – H. 35,4 cm ; L. 43,2 cm
Collection de la Maison Européenne de la Photographie, Paris. Don de la société Dai Nippon Printing Co. Ltd, Japon, inv. MEP 1995.126 © Nobuyoshi Araki/Courtesy Taka Ishii Gallery
Araki photographie le corps de sa femme dans un cercueil, enfouie sous les fleurs, et rappelle ainsi une autre de ses séries – des fleurs aux couleurs, vives, prises en très gros plan. Fraîches, elles sont une ode à la vie, à la sexualité ; fanées et photographiées au temple, elles rappellent l’impermanence des choses et leur mortalité. Puis, Araki photographie le ciel – le même carré –, un grand nombre de fois, au même endroit mais jamais identique : en écho à la photographie, le ciel sous l’objectif d’Araki devient discursif.

1985 / 2008 – impression numérique – H. 153,7 cm ; L. 101,6 cm
Collection privée, New York © Nobuyoshi Araki/Courtesy Taka Ishii Gallery

1997 – épreuve Cibachrome – H. 60 cm ; L. 90 cm
kamel mennour, Paris, inv. NA249 © Nobuyoshi Araki/Courtesy Taka Ishii Gallery

1991 / 2000 – impression directe RP – H. 28 cm ; L. 42,3 cm
Taka Ishii Gallery, inv. NA-PH_AbA_018 © Nobuyoshi Araki / Courtesy Taka Ishii Gallery
Mais ce pour quoi il est le plus connu, ce sont ses photos de kinbaku, l’art des cordes japonais. Dérivé des techniques d’attachement des prisonniers du Japon médiéval, l’art du shibari a pris depuis lors une connotation plus érotique dont l’artiste s’empare et se joue à travers ses clichés. Araki attache lui-même ses modèles, les prend en photo puis les détache, après avoir fait passer leur abandon du privé au public en le capturant avec son appareil. Car le shibari, ce n’est pas la contrainte de l’autre ; et chez Araki particulièrement, il s’agit du sentiment de confiance absolu que l’on peut ressentir dans un cadre de soumission et qui nous amène à lâcher prise sur notre corps dans les cordes.

2007/2008 – impression directe RP – H. 152,4 cm ; L. 101,6 cm
Collection privée, New York © Nobuyoshi Araki/Courtesy Taka Ishii Gallery
2007 – encre traditionnelle (sumi) sur photographie – noir et blanc – H. 101,6 cm ; L. 152,4 cm
The RBS Collection © Nobuyoshi Araki/Courtesy Taka Ishii Gallery

2000 – épreuve gélatino-argentique – H. 32,5 cm ; L. 26,8 cm
Taka Ishii Gallery, inv. NA-SS_038 © Nobuyoshi Araki/Photo : Thierry Ollivier/Courtesy Taka Ishii Gallery
Par curiosité, on a jeté un œil au livre d’or placé à la sortie de l’exposition, et si – vous l’aurez compris – on a beaucoup aimé notre visite, tout le monde ne partageait manifestement pas notre avis. Et finalement, il était sociologiquement très intéressant, ce petit livre d’or. Comme sur les réseaux sociaux, tout un chacun donne son opinion sur à peu près tout, et on pouvait trouver, perdus parmi les compliments, des commentaires qui se répondaient les uns aux autres, des « conseils » donnés aux curateurs du musée sur ce qu’il est convenable d’exposer ou pas, et quelques remarques outrées quant à la nature « pornographique » de certaines œuvres – alors que l’entrée de l’exposition était tapissée des livres traitant de l’œuvre d’Araki, et ne laissant aucun doute sur la nature de ce que l’on allait voir. Pas de doute, nous sommes bien à l’ère facebook.