Les 6 et 7 juillet avaient lieu à la French Paper Gallery, à Paris, une exposition d’estampes japonaises issues du fameux Ukiyo-e Project dont on avait entendu parler il y a de cela quelques mois déjà. L’occasion de s’en mettre plein les yeux, en découvrant les différentes étapes de fabrication – plaques de bois sculptées, et épreuves d’impression voyant se superposer couleur après couleur.

Point fort du projet, bien sûr, la thématique des illustrations. Ici, on est bien loin des classiques vues du Japon et de la beauté féminine, puisque les influences sont résolument pop – ou plutôt rock ! Parmi les personnages représentés, on retrouve donc les membres du groupe de rock Kiss, ainsi qu’Eddie, la mascotte du groupe de heavy metal Iron Maiden.

Mis à part le côté fun du mélange entre pop culture et traditions ancestrales (un haut fait auquel nous ont habitués les Japonais), il faut souligner l’esprit qui anime Ukiyo-e Project. La profession de foi de l’initiative est on ne peut plus claire : « [leur] mission est de préserver la technique des estampes de l’époque Edo, en créant un nouveau marché et une nouvelle demande. » Autrement dit, il ne reste au Japon quasiment plus d’artisans capables de maîtriser la technique de l’estampe traditionnelle – on raconte qu’ils seraient moins d’une dizaine. Il est donc urgent de trouver un moyen d’assurer leur subsistance, de peur que leur savoir-faire ne disparaisse avec eux.
La logique, on la connaît : la pratique de l’artisanat japonais est un véritable sacerdoce, pratiqué en dépit de toute notion d’investissement de temps ou de rentabilité financière. Du coup, les nouvelles générations renâclent à prendre la succession de leurs aînés, et les savoir se perdent. La logique qui sous-tend Ukiyo-e Project, c’est donc de moderniser les thématiques abordées afin de faire des estampes des produits culturels contemporains, en définitive assez proche des sérigraphies habituellement exposées dans la galerie qui les a hébergées cette semaine. Avec une jolie promesse : une plus juste répartition des royalties entre les différents protagonistes – l’illustrateur étant jusqu’à présent le seul à bénéficier de ces « largesses ».
Si tout cela fait rêver, on comprend que le projet n’en est encore qu’à ses balbutiements, et qu’il reste beaucoup à faire pour promouvoir une partie de l’artisanat japonais qu’on croirait aisément coincé dans le passé. Ce serait oublier que le Japon a déjà réussi à renouveler son art au court du XXe siècle avec le mouvement Shin hanga, qui a démultiplié les techniques et les thématiques. Et puis, il y aura peut-être des idées à aller prendre du côté des Américains, qui avec Ukiyo-e Heroes (série d’estampes inspirées par les personnages de la pop culture mondiale) ont réussi à lever plus de 300’000 $ via Kickstarter. Le salut de l’estampe japonaise viendra-t-il de l’occident ?
Pour en savoir plus : http://www.ukiyoeproject.com/